Le transport de grains par le vent conduit à la formation de dunes et rides, que l’on peut observer sur les plages ou dans les déserts, mais aussi à la surface de différentes planètes ou objets célestes (Mars, comète Tchoury). Un point crucial est qu’il faut dépasser un certain seuil de vitesse du vent pour mettre en mouvement ces grains et maintenir un flux de sédiment. Des chercheurs de l’ENS-PSL, l’ESPCI Paris-PSL et de l’université Aarhus au Danemark ont reproduit, dans une soufflerie basse pression (1), les conditions de transport sédimentaire rencontrées sur Mars. Dans leurs travaux publiés dans les PNAS (2), les scientifiques montrent qu’à très basse pression, un nouveau régime de déplacement des grains apparaît, compatible avec les observations faites sur la planète rouge.
Une manière originale d’étudier les processus géomorphologiques extraterrestres est d’avoir recours à des expériences analogiques, qui reproduisent, en partie mais de manière contrôlée, les conditions rencontrées sur la planète. Dans le cas du transport de grains par le vent (la `saltation’) sur Mars, il s’agit de travailler à des pressions très faibles, correspondant à l’atmosphère très peu dense (de l’ordre de 10 mbar) qui y règne. Une équipe du laboratoire PMMH (ESPCI Paris-PSL / CNRS) et du Laboratoire de Physique de l’ENS-PSL a utilisé une soufflerie de l’université d’Aarhus (1) au sein de laquelle la pression peut être ajustée, et abaissée à des valeurs martiennes et même au-dessous. En faisant varier la vitesse du vent, les physiciens ont obtenu une courbe très précise de l’évolution du seuil de saltation en fonction d’une grandeur sans dimension caractéristique, le nombre de Galilée (dépendant de la densité du gaz et de sa viscosité, ainsi que des propriétés des grains). Cette courbe montre des valeurs de seuil de saltation surprenamment basses pour les faibles valeurs de ce nombre, incluant les conditions martiennes. Ces valeurs expérimentales ne sont pas reproduites par les prédictions des modèles et simulations actuels, qui prédisent des valeurs plus hautes. Les chercheurs ont également pu observer, au sein de la soufflerie, la formation et le déplacement de rides de taille décimétrique, en continuité depuis la pression atmosphérique jusqu’à la pression martienne.
Ces résultats, qui sont cohérents avec les observations faites à la surface de Mars, en particulier par le rover Curiosity (3), mettent au défi notre compréhension de la saltation dans ce régime d’importance pour les conditions extraterrestres. Ils soulignent la nécessité de mieux décrire certains processus physiques comme la collision entre les grains, ou leur rebond/piégeage sur un lit de sédiment, ou encore d’identifier de nouveaux mécanismes à l’œuvre dans les interactions entre grains et fluide au sein de ce régime de basse pression.
(1) Aarhus Mars chamber, Denmark, part of the Europlanet Research Infrastructure network.
(2) A lower-than-expected saltation threshold at Martian pressure and below, B. Andreotti, P. Claudin, J.J. Iversen, J.P. Merrison and K.R. Rasmussen. Proc. Natl. Acad. Sci. USA ***, *** (2021).
(3) Photographie d’une dune martienne du cratère Gale par le rover Curiosity de la NASA, cf. photojournal.jpl.nasa.gov/catalog/PIA20755. À la surface de celle-ci, on observe des `grandes’ rides de taille métrique et des petites dont la distance crête à crête est de l’ordre de 10 cm. Image Credit:NASA/JPL-Caltech/MSSS.
En savoir plus :
A lower-than-expected saltation threshold at Martian pressure and below, Proc. Natl. Acad. Sci. USA February 2, (2021). https://doi.org/10.1073/pnas.2012386118
Informations complémentaires :
Laboratoire de Physique de L’Ecole normale supérieure (LPENS, ENS Paris/CNRS/Sorbonne Université/Université de Paris)
Auteur correspondant : Bruno Andreotti
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