Des travaux numériques et théoriques prédisent l’existence d’un fort courant équatorial de l’eau salée des océans d’Europe, satellite de Jupiter. Ce mécanisme électromagnétique contribuerait à la formation des nombreuses fissures observées à sa surface.

Contrairement à la Terre, Jupiter a de nombreux satellites naturels, dont Europe, Ganymède, Callisto, etc. Europe intéresse particulièrement les chercheurs, car si celle-ci est recouverte d’une épaisseur de quelques kilomètres de glace, elle abriterait un gigantesque océan planétaire sous sa surface. En effet, la sonde Galileo, qui a mesuré le champ magnétique de la planète géante, a démontré la présence d’un élément conducteur sur Europe, à savoir de l’eau salée liquide. Mais comment est-il possible que de l’eau liquide puisse subsister sur une lune sans atmosphère ? Quelle est la source d’énergie permettant de la maintenir liquide sous la croûte de glace ?

Si les forces de marées dues à l’influence gravitationnelle de Jupiter et la convection thermique de l’océan d’Europe sont deux sources d’énergie bien admises, des chercheurs du Laboratoire de physique de l’ENS1 et du Lerma2 ont démontré l’existence d’une autre source importante d’énergie en simulant numériquement la dynamique interne de l’océan d’eau salée. Le modèle développé conjointement aux simulations permettrait d’expliquer deux observations encore mal comprises sur Europe : l’existence de geysers de vapeur aux pôles du satellite, et les nombreuses fractures de la couche de glace au niveau de l’équateur.

Le champ magnétique de Jupiter, entraîné par la rotation de Jupiter sur elle-même, tourne à très grande vitesse selon l’axe de la planète. Europe subit donc un champ magnétique oscillant, qui va entraîner son océan conducteur dans son mouvement, exactement comme le ferait le stator d’un moteur à induction électromagnétique. Les chercheurs ont simulé ce phénomène, et la comparaison aux observations de Galileo ont permis d’évaluer la salinité globale de l’océan. De plus, leur modèle montre que la dissipation d’énergie par effet Joule due aux courants induits serait maximale aux pôles ; un phénomène qui additionné aux effets de marées diminuerait l’épaisseur de la couche de glace favorisant ainsi l’apparition de geysers de vapeurs dans les régions polaires. Enfin, leurs résultats prédisent l’existence d’un très fort courant océanique équatorial (voir Fig. 1) d’une vitesse de l’ordre de quelques cm/s (soit deux ordres de grandeur en-dessous du Gulf Stream terrestre). Ce courant provoquerait un couple constant sur la coquille de glace, qui contribuerait à la formation des mystérieuses fissures observées à la surface d’Europe.

Les prochaines missions spatiales (JUICE et Europa Clipper) prévues dans les années à venir pour rechercher des traces de vie sur les lunes de Jupiter permettront probablement de confronter cette théorie aux observations.
En attendant, prendre en compte les effets de marées dans les simulations permettra d’obtenir une description précise du comportement dynamique du satellite le plus célèbre de Jupiter…

1 ENS, CNRS, Sorbonne Université, Université Paris-Diderot
2 Observatoire de Paris, CNRS, Sorbonne Université, Université de Cergy-Pontoise

 

Figure 1 : Simulation de la composante azimutale Uφ de la vitesse du courant océanique.

 

En savoir plus :
Christophe Gissinger et al. A magnetically driven equatorial jet in Europa’s ocean, Nature Astronomy (2019).

Informations complémentaires :
Laboratoire de Physique de L’Ecole normale supérieure (LPENS, ENS Paris/CNRS/Sorbonne Université/Univ. Paris Diderot)

Retrouvez également Christophe Gissinger dans l’émission « La tête au carré » de France Inter du 9 avril.


Auteur correspondant :
Christophe Gissinger

 

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