Certaines questions fondamentales demeurent quant à la description complète du passage entre le monde quantique et le monde classique -la décohérence-. Un moyen pour répondre à ces questions pourrait être de mettre des objets macroscopiques, tels que des oscillateurs mécaniques, dans des états de superposition quantique. Cet objectif ambitieux nécessite en premier lieu de pouvoir contrôler de manière extrêmement précise le mouvement d’un oscillateur mécanique.

Des progrès considérables ont été réalisés dans ce sens en utilisant l’action mécanique que la lumière peut exercer sur des objets. Plus récemment, une approche alternative a émergée, visant à utiliser le magnétisme inhérent au spin des électrons. Cette idée a pu naitre grâce aux propriétés électroniques remarquables de certains matériaux. En l’occurrence, les électrons localisés sur un default cristallin particulier du diamant, le centre NV, sont suffisamment isolées de leur environnement pour permettre une manipulation efficace de leur état de spin, et donc de leur magnétisme, grâce à des champs laser et micro-onde. En principe, un seul de ces aimants quantiques pourrait permettre d’influencer le mouvement d’un objet macroscopique, créant un pont entre monde quantique et monde classique. Cependant, la réalisation d’un tel processus est un formidable challenge expérimental.

Pour la première fois, des chercheurs du LPENS ont réussi à agir sur le mouvement d’un oscillateur mécanique, un diamant en lévitation dans un piège électrostatique, en utilisant le spin de quelques milliards de centres NV contenus dans le diamant. Ils ont notamment démontré qu’il est possible d’utiliser ces spins pour refroidir le mouvement du diamant induit par les collisions avec les molécules d’air qui l’entoure. La route vers des tests fondamentaux de la physique quantique est encore bien longue mais ce résultat en est une étape importante.

Pour obtenir ces résultats, l’expérience mise au point pendant près de 5 ans au LPENS consiste tout d’abord en un piège électrostatique, une petite boucle métallique à laquelle une tension alternative est appliquée, permettant de faire léviter des diamants d’une taille d’environ 10um. Une fois un diamant piégé, le spin des quelques milliard de centres NV contenus dans le diamant est maintenus dans un état non magnétique en illuminant le diamant avec un laser vert. L’application d’un champ micro-onde à une fréquence bien précise permet alors de magnétiser les spins. Tels des petites boussoles, les centres NV cherchent alors à s’aligner avec le champ magnétique généré par un aimant placé à proximité du piège, exerçant un couple sur le diamant et un changement de son orientation. Une lecture optique de l’orientation du diamant a permis d’observer ce mécanisme, démontrant ainsi la possibilité d’agir sur le mouvement du diamant en manipulant le spin des centres NV. Il a de plus été possible d’exploiter la dynamique de la magnétisation des centres NV couplée à celle de l’orientation du diamant pour créer une force visqueuse permettant de refroidir le mouvement angulaire du diamant. A une pression de 1mbar et à température ambiante (300 Kelvin), une température de 80 Kelvin a pu ainsi être observée.

Ces résultats ont été publiés dans Nature (https://www.nature.com/articles/s41586-020-2133-z), la version arxiv se trouve ici (https://arxiv.org/abs/1905.11509).

Figure : Vu d’artiste de l’expérience (© Gabriel Hétet): un diamant est maintenu en lévitation dans un piège électrostatique en anneau. Une combinaison de champs laser et micro-onde permet de contrôler l’état magnétique du spin électronique des centres NV contenu dans le diamant. Telles des petites boussoles, les spins cherchent à s’aligner avec un champ magnétique extérieur, exerçant un couple sur le diamant.

 

 

En savoir plus :
https://doi.org/10.1038/s41586-020-2133-z

Informations complémentaires :
Laboratoire de Physique de L’Ecole normale supérieure (LPENS, ENS Paris/CNRS/Sorbonne Université/Université de Paris)


Auteur correspondant : Gabriel Hétet

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