L’effet thermoélectrique décrit une transformation d’énergie durant laquelle de la chaleur est convertie en électricité et vice versa. Cette interaction captivante intrigue depuis longtemps les physiciens, car elle offre un aperçu de la relation complexe entre l’énergie, la température et la matière. Les matériaux thermoélectriques impliquent généralement une interface entre deux semi-conducteurs solides différents et ont des applications très variées : capteurs de température, réfrigération, production d’électricité respectueuse de l’environnement, …

Des chercheurs du Laboratoire de Physique de l’Ecole Normale Supérieure de Paris (LPENS) ont obtenu la première preuve de thermoélectricité entre deux liquides. L’expérience consiste à superposer deux métaux non miscibles, le mercure et le gallium, liquides à température ambiante, dans un récipient cylindrique. Lorsqu’une grande différence de température radiale est imposée entre les deux parois cylindriques contenant les métaux liquides, il apparait un courant électrique circulant à travers l’interface entre les deux liquides.

Par rapport au cas classique, la nature liquide/liquide de l’interface fait apparaitre de nouveaux effets qui n’ont pas de contrepartie avec des conducteurs solides. D’une part, les mouvements turbulents à l’intérieur des métaux liquides donnent lieu à une distribution complexe de la température, ce qui se traduit par une densité de courant anormalement élevée près des bords, 10 à 100 fois plus élevée que dans les systèmes solides conventionnels. D’autre part, si l’expérience est soumise à un champ magnétique, celui-ci interagit avec les courants pour créer un pompage thermoélectrique très efficace des liquides : une circulation d’une dizaine de cm/s est générée dans chaque couche, qui tournent alors dans des directions opposées.

Ce nouvel effet thermoélectrique pourrait avoir plusieurs applications intéressantes. Par exemple, la génération d’un courant thermoélectrique à l’interface entre deux liquides pourrait jouer un rôle sur le champ magnétique de Jupiter, dont l’intérieur implique une telle interface entre hydrogène moléculaire et hydrogène métallique. Par ailleurs, le pompage thermoélectrique peut être utilisé pour optimiser les performances des batteries à métaux liquides, une nouvelle technologie prometteuse de stockage d’énergie basée sur une superposition de fluides conducteurs similaire à celle décrite ici.

Visualisation schématique 3D de l’interaction thermoélectrique entre deux métaux liquides. Le gallium dans la partie supérieure est rendu transparent pour mieux visualiser les courants électriques anormalement forts (en bleu) qui circulent et le champ magnétique associé (en jaune).

  

En savoir plus :
https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2320704121

Informations complémentaires :
Laboratoire de physique de L’École normale supérieure (LPENS, ENS Paris/CNRS/Sorbonne Université/Université de Paris)


Auteur correspondant : Christophe Gissinger
Contact communication : L’équipe de communication